Le Père Thibault Ries, prêtre du diocèse de Blois, est professeur de liturgie au séminaire depuis la rentrée 2024
Père Thibault, vous enseignez la liturgie au 1er cycle du SNDE depuis le début du 2nd semestre, brièvement, pourriez-vous vous présenter ?
Il y a tout juste 10 ans, je faisais ma première rentrée au séminaire interdiocésain d’Orléans (du nom de l’époque). 6 ans plus tard, le 23 août 2020 (entre deux confinements), je recevais le sacrement de l’ordre en la cathédrale de Blois, mon diocèse. Depuis cette date, je suis vicaire pour l’ensemble pastoral de Romorantin – Neung/Beuvron, en pleine Sologne, dans le sud de mon diocèse.
En plus des missions ordinaires d’un vicaire en paroisse, j’ai reçu deux types de missions : l’étude et l’enseignement, d’un côté, la pastorale des jeunes de l’autre. Du coup, après avoir étudié à l’Institut Supérieur de Liturgie (lire ci-dessous), on m’a proposé d’intervenir auprès de différents groupes et services de mon diocèse avec des attentes assez variées, mais toujours autour de la liturgie. Côté jeune, j’accompagne l’aumônerie de ma paroisse et suis très investi dans le collège privé de Romorantin. Et depuis deux ans, j’ai la joie d’être aumônier territorial des Scouts et Guides de France et, à ce titre, d’accompagner le développement du scoutisme et du guidisme dans les diocèses de Tours, Chartres et Blois. Ce mouvement est pour moi un incroyable lieu d’évangélisation, dans le double sens de l’évangélisation : me laisser évangéliser par ceux que j’accompagne et les aider, en retour, à s’enraciner toujours plus dans le Christ !
Quel est votre parcours de formation ? Comment les différents séminaires que vous avez fréquentés vous ont enrichi intellectuellement, et quelles sont les matières qui vous ont passionnées ?
Je le disais, j’ai commencé mes études philosophiques et théologiques au séminaire d’Orléans. C’est là que j’ai vraiment appris à lire et à penser. Evidemment, j’étais capable de lire un livre sans problème, mais les cours de philosophie pour une part et les cours d’exégèse de l’autre, m’ont appris à lire rigoureusement un texte pour éviter de lui faire dire n’importe quoi. Ce sont des années de fondation.
Ensuite, j’ai eu la chance de découvrir d’autres lieux et d’autres approches de la formation. En effet, l’évêque d’alors m’a envoyé poursuivre mes études de second cycle à Bruxelles, avec les pères jésuites de l’Institut d’Etudes Théologiques. A Bruxelles, je connaissais surtout la bière et les frites... J’y ai découvert un autre trésor : une formation intellectuelle volontairement interdisciplinaire, toujours profondément enracinée dans l'Écriture Sainte et reposant essentiellement sur le travail des étudiants. Ainsi, grâce à l’écoute et l’accompagnement des enseignants, les étudiants (Eh oui, pas que des séminaristes, mais aussi des religieux, des religieuses, des femmes et des hommes, ... bref tous les états de vie dans l’Eglise), nous, étudiants, devenions chacun pour notre part nos propres enseignants et ceux de nos camarades. J’ai énormément reçu de cet Institut et de la Maison Ste Thérèse dans laquelle je vivais. C’est difficile de dire ce qui m’a marqué, puisqu’étant acteur de ma propre formation, j’ai dû m’investir dans chaque chose. Néanmoins, j’en retiens plus particulièrement trois : les prises de position (pour la première fois de ma vie, on m’invitait au terme d’un semestre de travail à dire ce que je voulais, sous la forme que je voulais, pendant 5 minutes) ; un exposé sur le mystère du Christ chez S. Athanase d’Alexandrie (à partir de ce jour-là, un camarade m’a surnommé Athanase et m’envoie tous les 2 mai un SMS pour me souhaiter une bonne fête) ; le cours de théologie mariale (l’union intime et rigoureuse de la théologie dogmatique et spirituelle).
Après la capitale européenne, mon évêque m’a envoyé étudier dans la capitale de notre pays à l’Institut d’Etudes Théologiques. Là aussi, j’ai apprécié la diversité des parcours et des missions des étudiants. Dans cet institut, c’est la dynamique de recherche qui m’a séduit. Avec des enseignants chercheurs, on ouvre des portes, suit des intuitions, enrichit sa vision des choses. En plus de cela, je suis arrivé dans une maison qui est aussi une tradition théologique vivante. On m’y a introduit aux pères du Mouvement liturgique (dont la plupart des Français ont fondé, enseigné ou dirigé l’Institut). Outre mon mémoire, je retiens particulièrement le séminaire de recherche sur la pensée du théologien Louis-Marie Chauvet. Et, chose rare en théologie, l’auteur étudié pendant un semestre est lui-même venu clore nos travaux !
Vous avez obtenu votre licence canonique de liturgie à l’Institut catholique de Paris et pour cela vous avez rédigé et soutenu un mémoire. Pourriez-vous nous présenter la thématique et peut-être les grands axes qui le constituent ?
Je suis allé à l’ISL avec le désir de travailler sur la question de la sacramentalité en pensant les sacrements dans l’Eglise sacrement (Vatican II) qui nous fait découvrir la sacramentalité de la Parole de Dieu (Benoît XVI, Verbum Domini). J’ai ensuite pas mal tâtonné pour trouver un angle d’attaque.... A force d’ouvrir des portes, j’ai fini par m’intéresser au Rituel de l’initiation chrétienne des adultes qui est le chemin que l’Eglise propose aux catéchumènes. J’avais le désir de mieux comprendre comment la Parole de Dieu façonnait leur vie chrétienne émergente, alors j’ai décidé de prendre au sérieux les rites comme lieu où la Parole de Dieu se donne à entendre (dans la proclamation mais aussi dans les prières qu’elle inspire), à voir (en tant qu’elle marque les rites qui nous rejoignent dans notre corporéité) et à vivre (portée éthique des rites) pour susciter une réponse de foi des croyants qui ne sera pas seulement le fruit d’une réflexion intellectuelle mais l’engagement de toute leur vie dans l’alliance avec le Seigneur[1].
Cela m’a conduit à étudier chacune des célébrations du parcours catéchuménal pour voir comment Parole et rites rejoignent les catéchumènes, marquent leur vie, la questionnent et l’orientent. J’ai ainsi proposé une étude de l’entrée en catéchuménat, de l’appel décisif et de la Vigile pascale (notamment par des tableaux analytiques).
Comment abordez-vous cette nouvelle mission au séminaire ? Les séminaristes doivent-ils s’attendre à une montagne de travail ?
Pour l’instant, c’est surtout moi qui ai une montagne de travail ! Reprendre un cours, en plus du ministère pastoral, est un beau challenge. Mais c’est tellement stimulant ! Je crois profondément que théologie et pastorale se complètent et se renforcent mutuellement, alors je suis heureux de pouvoir replonger un peu dans le travail intellectuel. J’espère réussir à transmettre cela aux séminaristes : l’importance de l’enrichissement de la pastorale par la réflexion théologique et, inversement, l’apport de la pastorale sur nos prises de position théologiques.
Du coup, pour les séminaristes les travaux devraient refléter cette double approche de la liturgie. Ils vont notamment pouvoir travailler à la proposition d’un “outil” pastoral autour de la liturgie. Et puis, je reste marqué par l’approche pédagogique de mes années belges. A ce titre, nous commençons chaque séance par un travail de groupe, animé par l’un d’entre eux, sur un article ou un chapitre d’un auteur important du Mouvement liturgique : l’occasion de s’entraîner à lire ensemble avec rigueur ces lignes importantes pour comprendre l’histoire de la liturgie sur le siècle écoulé. Je reconnais que c’est un peu de travail pour chaque rencontre, mais je crois que c’est vraiment formateur. Ainsi, comme disait une enseignante de Bruxelles, “on ne suit pas mon cours, on le précède” !

[1] Il s’agissait de voir si les rites du catéchuménat répondent à l’affirmation de Louis-Marie Chauvet qui voit les rites comme “l’expression symbolique qui donne à voir, à l’indicatif, ce transit de la Parole vers le corps par l’Esprit et qui, à l’impératif en quelque sorte, le donne à vivre dans une éthique responsable.” cf. L.-M. CHAUVET, “La structuration de la foi dans les célébrations sacramentelles”, LMD 174, 1988, p. 80.